.
1991
Je m’affame de nos silences, fausses jouissances où se perdent les mots.
L’absence hante les progrès du désir, mon ventre se creuse d’un nouveau murmure.
Puissance affamée, œuvre à la levée des mots dans notre gorge, érection douce de ton attente.
Ton sexe est attentif aux fleurs qu’il honore.
2022
Le ventre se creuse de solitude.
J’ai déployé autour de ma poitrine une nuit fulgurante, où je ne vois plus ta bouche.
Jouissance, jouissance, douce érection de l’attente au cœur des paroles nues restées dans ma gorge.
Je me suis affamée de notre silence.
Belle sensualité, où la morsure est palpable, celle du chagrin, celle du désir. Pourquoi les deux sont-elles si souvent indissociables ?
J’aimeAimé par 1 personne
Merci Jöelle pour ce commentaire ! Il pointe si justement le lien (que l’on aimerait tous défaire je crois) entre chagrin et désir dans ce texte et dans notre projet de façon plus générale. C’est un paradoxe puisqu’il y a cette joie du désir, de sa force lorsqu’il est frustré, et le chagrin de l’attente déçue, qui se fait parfois douleur, comme une morsure en effet…
J’aimeJ’aime
On retrouve dans le poème de 1991, comme dans « Souffle » une attente présente à la fois chez celle qui écrit et chez le thérapeute. Mais cette attente est de nature différente. Pour la femme elle est de l’ordre d’une tension sexuelle, le corps est tendu vers la satisfaction d’un désir charnel violent. Pour Lui, cette attente est « douce ». Il est « attentif ». Attentionné, à l’écoute, et respectueux de sa patiente (« attentif aux fleurs qu’il honore »). Son attente est orientée vers le discours (les mots). Mais le langage du désir charnel (« … mon ventre se creuse d’un nouveau murmure »), exacerbé (« puissance affamée »), car jamais comblé (« fausse jouissance ») permet « la levée des mots ».
Dans la version 2022, le manque s’est déplacé du désir charnel vers le vide affectif. Le registre est plus sur les sentiments et l’affectivité. Dans le “J’ai déployé autour de ma poitrine une nuit fulgurante, où je ne vois plus ta bouche.” on peut entendre que l’auteur s’est construit une armure (“nuit fulgurante”) pour ne pas entendre les mots du thérapeute (“où je ne vois plus ta bouche”).
Les deux versions de ce cinquième poème pourraient ne former qu’un seul poème.
Il s’ouvrirait avec « Je m’affame de nos silences… » et se fermerait avec « je me suis affamée de notre silence ». Entre les deux phrases se déploie une tension érotique qui est soutenue par un champ lexical du manque et de l’attente. Il y a une évolution dans la tension comme le suggère le changement de temps de la dernière phrase. On passe du présent (« je m’affame ») au passé simple (« je me suis affamée »). On a presque une chute narrative qui entraîne une baisse de la tension érotique.
J’aimeAimé par 1 personne