1992
Cette odeur qui m’inonde et m’abreuve
Votre corps au réveil qui ruisselle de
Gestes mêlés d’eaux et de sommeil
Exhale encore, vêtu, ses parfums
Que j’aspire, métamorphose de
L’insignifiance en intimité
Traversée entre dehors et dedans
Ma bouche exalte et accueille ta puissance
Silence qui espère la saveur
Connaissance et mesure de ce qui unit
Hommages que l’on rend dans l’abandon
Lente communion de chairs devant leur désir
Innocence retrouvée entre nos lèvres
Lac empli de lenteur, bouche qui explore
La source de ses larmes, avec l’or du ciel
L’arc tendu de ton corps, rose et noir de ton sang
2022
Mon désir, ton innocence, ton silence
Ma bouche, ta puissance, ta mesure
Mes lèvres, ton abandon, ta saveur
Ton odeur ruisselle sur mon intimité
Comme l’eau de tes gestes inondent mon sexe
Dans un baiser doux métamorphosé en nuit
Je me suis ensommeillé en toi, tu me rêves
Beau de sensualité, de sexualité pudique. L’innocence, cette ignorance lucide du péché, très bien exprimée ici.
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Merci Joëlle ! Très touchée que tu aies relevé le sens de cette « innocence », qui peut surprendre dans ce texte. Je retiens cette belle formule d’ignorance lucide du péché (j’ai d’ailleurs utilisé le mot ignorance dans le même sens dans un autre poème de cet ensemble). Et que dire de la « sexualité pudique » ! Je garde précieusement.
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« Je me suis ensommeillé en toi, tu me rêves » — Très juste pensée qui accapare toutefois l’autre sans doute consentant. Éros délicat, parfumé, tendre, bravo, Aline.
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Merci Pierre ! J’aimerais atteindre dans ces poèmes anciens retravaillés à deux cet éros délicat que tu évoques et ton commentaire n’en est que plus précieux. Le vers que tu cites est de la main de Philippe mais les styles de deux narrations se complètent ou s’opposent selon le cas, l’une, parfois, résumant d’une image les émotions spontanées ou vivantes de la première). Ta lecture en est très fine et subtile, elle résonne avec l’ensemble du projet.
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Ces deux poèmes m’évoquent « l’innocence retrouvée », un monde où les sens de l’homme étaient exempts de toute corruption, un monde indistinct où tout se mêle. Les corps y fusionnent entre eux, mais aussi avec les éléments primitifs: ils sont tout à la fois paysage sensoriel et paysage géographique composé de lacs, de ciel, de nuit; le corps de l’autre est un territoire vierge à conquérir, à explorer, à expérimenter. Au rythme musical lent, large, ample, lumineux du premier poème qui imite une respiration, répond l’écriture concise du second poème avec un jeu sur les adjectifs possessifs « mon/ton» et la reprise des thèmes et des images du premier poème, cela afin de figurer la fusion sensorielle, charnelle et émotionnelle des amants par l’instauration d’une forme d’écho, une boucle sensorielle qui brouille la frontière physique entre eux.
“Innocence” célèbre un temps mythique d’innocence retrouvée avec une force lyrique, et une amplitude rythmique qui correspond à bien des égards par son côté grandiose aux œuvres des compositeurs nordiques (Grieg, Sibelius et même Dvorak pour ne citer que les plus connus). La singularité de l’écriture poétique, son immédiateté rend accessible des émotions sensorielles et érotiques vécues comme originelles. Elle donne aux amants comme aux lecteurs la « connaissance » et la « mesure de ce qui unit ». Elle permet un retour au lieu des origines, monde où règne l’indistinction. Elle réconcilie les contraires, permet la communion avec les éléments, elle donne la connaissance d’un Tout, l’accès à une plénitude qui rend l’accomplissement du désir possible, ce manque béant assimilable au Chaos des origines.
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Merci chère lectrice pour ce commentaire dont les comparaisons nous impressionnent un peu, tout en nous faisant plaisir. Cette « innocence » qui pouvait sembler paradoxale est finalement l’essence de ce poème et les retours permettent, comme toujours, de relire ce que l’on a écrit autrement.
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