La grève qui nous empêche de partir et de revenir, qui nous oblige à inventer d’autres moyens d’arriver et de nous retrouver m’a donné l’idée de partager avec vous ce texte de Jean Tardieu, l’un des poètes auxquels je reviens souvent.

J’en profite pour vous dire que je vais bientôt reprendre une activité un peu plus soutenue sur le blog que j’ai été contrainte de délaisser un peu ces derniers temps. Je ne suis pas en grève de blog !

Le mot interrogations apparait dans le titre du poème et est présent tout le long par les points d’interrogations qui le ponctuent. Il peut sembler purement ludique et peu classique mais il ne s’agit que d’une apparence.

La forme garde des éléments très classiques, brisés par instants : un tercet, suivi de trois strophes déstructurées, puis un sizain; une première strophe en décasyllabes rythmés 2//4//4 et 4//6, puis des vers libres avant un retour à des décasyllabes et heptasyllabes; pas de rimes mais des effets de répétitions et d’oppositions.

Ludique en apparence, le poème joue avec les conjugaisons mais aussi avec les formes affirmatives, les formes négatives et les formes interrogatives. Mais le poète s’interroge à propos de la séparation, de la disparition voire de la mort. Il interroge aussi les rapports amoureux, les diverses formes de « conjugaisons » entre les hommes, notamment entre lui et l’être aimé : « Toi tu es là Est-ce que tu es là ? Quelquefois tu n’es pas là. »).

Conjugaisons et interrogations

J’irai je n’irai pas je n’irai pas
Je reviendrai Est-ce que je reviendrai ?
Je reviendrai Je ne reviendrai pas

Pourtant je partirai (serais-je déjà parti ?)
Parti reviendrai-je ?
Et si je partais ? Et si je ne partais pas ? Et si je ne revenais pas ?

Elle est partie, elle ! Elle est bien partie. Elle ne revient pas
Est-ce qu’elle reviendra ? Je ne crois pas Je ne crois pas qu’elle revienne
Toi, tu es là Est-ce que tu es là ? Quelquefois tu n’es pas là.

Ils s’en vont, eux. Ils vont ils viennent
Ils partent ils ne partent pas ils reviennent ils ne reviennent plus

Si je partais, est-ce qu’ils reviendraient ?
Si je restais, est-ce qu’ils partiraient ?
Si je pars, est-ce que tu pars ?
Est-ce que nous allons partir ?
Est-ce que nous allons rester ?
Est-ce que nous allons partir ?

Jean Tardieu, L’accent grave et l’accent aigu, « Formeries », Poésie Gallimard, 1976.

Pour aller plus loin

Jean Tardieu sur mon blog

Jean Tardieu sur Remue.net

 

Et deux chansons qui me rappellent le poème, celle d’Alain Bashung dans laquelle il chante « Si tu me quittes est ce que je peux venir aussi ? »

 

 

Et Vianney avec son « Mais t’es pas là, mais t’es où, pas là ? »