Vaisseaux

1994

Nous glissons sous l’étoile flamboyante
Du désir, à l’aplomb du ciel
Vaisseau bleu comme un plafond d’église renversé
Les flots effleurent mon cœur comme ta main, hier
Le silence et le respect des morts nous entourent
Tout ce qui miroite au milieu du monde
A la couleur de l’encre et du souvenir
Que je souffle sur l’horizon

2023

Miroir de l’horizon vacant
Chant anonyme, visage de pierre
Regret des caresses rendues aux absents
Les flots bercent la nuit bleutée

Sillon de joie, ô ma soie douloureuse
Vaisseau clandestin, je passe sous ton désir

Dedans

1995

L’angle de tes bras dans le repos
Le jardin jaune dans l’attente et
Le parfum captif qui déborde
Le cadre, toutes les fleurs d’un songe

Espace tremblant dans les hanches,
Ta voix, lente, à chaque parole
Vin d’or, de terre et d’ombre
Cordes et chairs mêlées, dedans

Les mots, au bord de ta voix
Dans ma bouche, vibrant à mes lèvres
Les boire près de leur source

Être près de tomber
Tenir au seul souffle
Accomplir le baiser

2023

Tu t’es déshabillée à chaque heure précédant un aveu sans visage – tu n’as plus consenti
Au chaste baiser de l’attente – mes mains scrutaient dans ton sourire la ligne de ton corps nu.

Sans le vouloir, tu as désarmé ma gêne – un mot suffisait à partager ton silence –
Accrochant tes mains aux rameaux d’osier du ciel

Je suis devenu le lit de fortune sur lequel, en te couchant, tu as ouvert la nuit
Face à l’horizon et aux lointains éclairs, à
L’orée du bois de chênes verts emprisonnant dans tes bras les mots d’amour refoulés

Un souvenir : la pluie de chaudes larmes m’a surpris au milieu de l’orage, j’aimerais perdre
Encore la vie dans le souffle uni à tes cris

Forêt

1993

Les fenêtres répètent une lumière

De cendre sur la ville

Nulle lune ne luit sur l’eau, le fleuve

Brille de son absence

Forêt de prime angoisse inscrite sur

Les façades du temps

La solitude se perd en silence

Dans le dernier jardin

Ta fenêtre est désormais un ciel

De mystère et le seuil

De ta porte le seul regard posé

Sur ma voix intérieure

Nos yeux se croisent encore sur des vitres

Où dedans et dehors

Se confondent, mais où nos deux voix restent

En pays étrangers

2023

J’ai plus de mots en moi que de souvenirs

Mon cœur, lassé d’attendre, a cessé de

Remonter le temps vers les prières d’amour –

Trop de promesses ont coulé sur les passions

Turbulentes, trop de sourires mensongers –

Il ne bat le pavé des rues qu’en échos

Des pas anonymes déposés chez moi

Naguère, j’ai éteint les lumières de la ville,

Je n’habite guère que les histoires anciennes

Aujourd’hui, je laisse au monde l’enveloppe d’un

Corps, et quelques paroles sans pensée

Au milieu de mon âme pousse une forêt

Azur

1993

Je demande au soleil de brûler ma peau
Comme je brûle de toi

Cris du plaisir – sonorité du spasme
Mémoire de la chair dans la chair
Rencontre sans parole et sans mot –
Je charge chaque ombre de nos corps
Comme la gravure de nos caresses sur l’azur

Ma peau diffracte la lumière des jours heureux
Là où se trouve mon cœur
Mon sexe est l’horizon du monde

2023

Je garde en moi les mots que perd ma mémoire
Ma voix brûlée d’azur consume les images
De ses vies discordantes à l’heure finale
Où des larmes de feu lèchent les chairs fragiles
De mes souvenirs – cris des suppliciés tournés
Vers le ciel – réclamant la dispersion de leurs
Cendres dans notre sang.

J’ai demandé au passé rongeant les jours
D’éteindre son baiser sur mes perceptions
Et de lever la peine de mon cœur
Jusqu’au nœud maternel du silence

Insomnie

1993

La rue se jette dans les mots obstinés
De mon sommeil, une aiguille a transpercé
Ma nuit interminablement les minutes
Serrent mon cœur

Cadence, cadence, diastole, systole, transparence
D’un voile de minutes sans visage, mon cœur
Étouffe ses battements pour que, ailleurs
Dorment les morts

Le jour je n’ai qu’une voix pour t’épouser
Présent impénétrable, ton corps est une
Douloureuse joie, je n’ai plus assez de
Vie pour t’aimer

2023

J’ai épousé en noces blanches la nuit sans étoile
Souriant obstinément à chacun des regards
D’insomnie qu’elle pose sur moi dans une caresse
D’amour, de haine – ses doigts de liqueur n’en font aucune
Différence – à force de ne plus savoir souffrir
Je ne sens plus le mal, quand ses lèvres prennent mon sexe
Durci, la jouissance est une immense moucheture
Dans le ciel et l’azur une colère sans nom

La nuit se fend toujours de ton sourire blessé
Quand je foule en silence tes prières passionnées
Et le jour fige ma place imparfaite d’époux
Au passé inconciliable avec le désir

Aujourd’hui as-tu enfin, bel horizon fané,

La patience d’attendre, pour toi ai-je encore une voix ?