Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais j’ai l’impression que nous ne touchons plus que des boutons de souris, des pavés numériques, des claviers ou des écrans tactiles. Nous tapotons, nous cliquons. Il faut dire que le verbe toucher vient, parait-il, de tuchier, issu du latin populaire toccare, une formation onomatopéique, c’est-à-dire un mot créé à partir d’un son, celui du toc, suggérant l’idée de coup. Le verbe cliquer d’ailleurs est aussi issu d’une onomatopée (Et toc ! Le double clic viendrait ainsi de toc-toc ?). Toucher les écrans tactiles, cliquer sur les liens, c’est devenu notre principale activité manuelle, au point qu’il faut parfois acheter des logiciels d’automatisation des clics, outil extrêmement utile pour les jeux vidéos (je ne sais pas si vous avez vu la vitesse et la répétitivité des clics, on dirait des tics nerveux): un autoclicker peut ainsi imiter plus de cent mille clics en une seconde.
Chaque jour accordé fait écho À la nuit, passe l’ange Voluptueux entre nous, la gorge Serrée, j’étouffe chez vous mes cris Fous, nous entretenons le silence Rassurant, ma bouche à votre voix
La nuit drapée s’accorde à la voix Lente, dont j’emprisonne l’écho Dans mon corps, vous soufflez au silence Le plaisir, les caresses de l’ange Vaincu, assurance d’un cri Sourd, vos mains nues sur ma gorge
Le temps file sur le pli de la gorge Le désir mordant sans appel la voix Assourdie, restent le cri Intérieur, et en mémoire l’écho Sensuel au lieu clos du silence Suspendu à l’étreinte des anges
Je te rejoins là-bas, mon ange à l’heure dite, le couteau sous la gorge Envieuse encore de ton silence Anxieuse toujours du son de ta voix Libérant dans mon sexe la femme en écho Maternel, avant mon premier cri
Je réclame ton sexe dans ce cri Et ton corps dans d’autres bras d’anges Violents, coups de boutoir en écho À ta douceur, dans ma bouche, ma gorge Mouillée de fièvre jusqu’à ma voix Déchue, abandonnée au silence
Appels, appels, miroir au silence De Dieu, liturgie intime du cri Vers l’azur, je retrouve ma voix De plaisir, et la joie des louanges Aux courbes caressées de ma gorge Chants d’amour, sous les voûtes, en écho
Nos deux voix accordées font écho Dans la nuit silencieuse, passe l’ange Nu, j’étouffe son cri dans ma gorge
2023
Longtemps j’ai laissé le flux de mes Paroles dériver dans les pages de Journaux intermittents, captant la Voix familière de celui qui Murmure en moi comme un prisonnier
Murmures et faux-fuyants sont depuis Longtemps les métaphores de ces Voyages solitaires où la Parole redoutée d’une femme Joue sur mon silence contre mon cœur
Joues roses, visage de lune, tu Murmures à mes lèvres la Parole douce du premier baiser Long, bien avant d’oser lever le Voile sur tes hanches arrondies
Voix-off, la vie émergée de mes Journaux allume dans le regard Longtemps soutenu comme l’aveu Murmuré, la foi aveugle d’une Parole d’amour unie au silence
Paroles des corps impudiques Voies qu’inventent nos mains quand tu Murmures en moi pour éteindre le Jour jusqu’à demain, la nuit pour jouir Longuement malgré le temps des peurs
Longtemps après que la parole s’est tue Les pages du journal secret gardent La voix murmurée
Aparté est un roman d’amour épistolaire de Philippe Moron qui relate une passion adultère née à l’aube du confinement de mars 2020. Les deux protagonistes se sont créé des noms de fiction, Lou-Anne pour elle et Loup pour lui. Leur lutte est celle d’un amour absolu contre tout ce qui nous rappelle au raisonnable. Et ils ne resteront pas unis jusqu’au bout dans cette lutte. Le court extrait publié ici, fragment du journal intime de Loup, prend place après la rupture, qu’il appelle le déluge.
Philippe Moron : Les Amants enlacés
Tu n’as pas dit les mots des amants, les mots d’adieu qui restent pour la vie après la séparation. Tu n’as pas posé le dernier baiser, celui qui résume tous ceux de la passion. Tu n’as pas écrit la dernière lettre, celle qui absout la douleur du départ. Tu n’as pas porté l’anneau de l’union secrète avec la date de notre première nuit, celle qui annonçait des nuits plus belles et plus lumineuses, que nous n’avons pas eu le temps de vivre.
Peut-être es-tu heureuse maintenant, peut-être t’es-tu dissoute dans un rôle taillé pour une autre, peut-être as-tu fait disparaître ton âme derrière une colline ou une barrière de brume. Je ne saurai pas ce qu’est devenu celle que j’invente encore malgré moi, dans le lieu hors du temps où notre affection, sans nous, survit à la folie.
Je garde pour toi une barbe de trois aubes, et le frottement de mes éclats d’étoile pour abolir les jours séparés de tes bras. Mes mains sont blanches comme autrefois et mes veines bleutées. Dans tes nuits de doute, tu entendras mon âme battre et tu reverras ton visage dans mes caresses lentes : ne les as-tu pas espérées autant que moi, ton sourire et tes rides amères au coin des yeux ?
Les lieux où nous nous sommes enlacés ont disparu. Des Hommes les ont effacés pour toi – tu ne te souviens de rien. D’autres amants se coucheront dans des lits neufs, leurs corps défaits rejoueront nos batailles sur les champs immenses où les orages battaient au loin.
Je garde le couteau près de ma hanche, pour toi – tu sais trancher et rompre. Cette fois vise la gorge plus que le cœur, ne tremble plus, je m’armerai d’histoire, tu garderas silence. Quand je ne t’aimerai plus, tu fermeras mes yeux. Quand tu m’auras renié, tu m’aimeras enfin.
Dans ma main crispée, il y aura l’anneau que tu n’as pas porté.