Toucher

Porte béarnaise. Photographie personnelle

Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais j’ai l’impression que nous ne touchons plus que des boutons de souris, des pavés numériques, des claviers ou des écrans tactiles. Nous tapotons, nous cliquons. Il faut dire que le verbe toucher vient, parait-il, de tuchier, issu du latin populaire toccare, une formation onomatopéique, c’est-à-dire un mot créé à partir d’un son, celui du toc, suggérant l’idée de coup. Le verbe cliquer d’ailleurs est aussi issu d’une onomatopée (Et toc ! Le double clic viendrait ainsi de toc-toc ?). Toucher les écrans tactiles, cliquer sur les liens, c’est devenu notre principale activité manuelle, au point qu’il faut parfois acheter des logiciels d’automatisation des clics, outil extrêmement utile pour les jeux vidéos (je ne sais pas si vous avez vu la vitesse et la répétitivité des clics, on dirait des tics nerveux): un autoclicker peut ainsi imiter plus de cent mille clics en une seconde.

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Tard

Il y a peu, j’ai trouvé dans une brocante une anthologie poétique (encore une !) de Marcel Arland publiée chez Stock en 1941. Vers la fin, un poème de Reverdy que j’avais lu et relu pendant cette longue longue période de la vie qu’est l’adolescence. Et je suis allée rechercher dans mes exemplaires d’autres textes de lui dont le titre porte ce mot: Tard.

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Finir

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Une animatrice d’atelier m’avait un jour suggéré un texte titré Mademoiselle Encours (c’était l’époque surannée et coupable où l’on disait encore mademoiselle). L’idée était, je crois, de me faire travailler ce qui m’empêchait de terminer un écrit. De mettre un point final. Kafka écrivit dans son journal intime : Je n’arrive à rien finir, parce que je n’en ai pas le temps et que cela urge tellement au fond de moi. Sans me comparer à Kafka, je ne peux que lui donner raison. Tout court en décalage, surtout aujourd’hui, le temps mesuré par mes divers calendriers (Outlook, gmail) et celui que mon esprit met à saisir ce que je voudrais écrire (bien que je sois passée des carnets aux mails qu’on s’envoie, voire à l’enregistreur vocal du smartphone.)

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A propos du sens des mots

Nos phrases se lèvent. Elles sont le vent qui déplace les nuages, qui les entraînent de gauche à droite sur l’horizon. Des lignes neuves apparaissent, le grain de la falaise qui nous surplombe, la couleur mordorée du champ de ce côté-ci, l’ondulation verte des collines jusqu’au bout de ce monde. L’ombre abandonne la terre, l’ombre abandonne notre âme. Nous nous dévoilons, nous décidons, nous osons, étourdis de notre propre audace. La deuxième phrase peut alors naître. Tout le temps que la plume avancera, les nuages courrons dans le ciel. Ils seront notre paysage et nous chercherons les mots dans leurs rebords. Puis nous nous perdrons dans l’épaisseur noire des orages prochains. Notre âme se serrera. Nous nous cacherons, nous nous protégerons. Un épais silence précède le fracas de la pluie. Aline Angoustures

J’ai créé Le sens des mots en 2016. La ligne éditoriale du blog a tout de suite été de sortir du silence, des éléments de langage, des mensonges ou du brouhaha pour faire émerger le sens des mots, en poésie, en littérature et dans la société. Je me suis ambitieusement placée dans la ligne d’Albert Camus pour qui Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde

La ligne éditoriale étant posée, le choix était de faire un article par mot et des titres d’un seul mot. Dans la rubrique poésies le mot permettait de découvrir un poème et donc un auteur ; dans la rubrique vivre.com des textes courts et personnels sur un verbe et ses évolutions, sur un ton humoristique; dans la rubrique lectures des comptes-rendus de livres éclairant le sens d’un mot ; dans la rubrique société de longs articles sur un mot d’actualité ; enfin une rubrique bref pour de très courtes chroniques et l’inévitable reblog pour diffuser des articles d’autres blogueurs.

Cette aventure m’a beaucoup appris. J’y ai surtout retrouvé des amis poètes ou écrivains, rencontré des poètes, des auteurs, des débatteurs et enfin des amis et je veux ici rendre hommage à des blogueurs qui sont devenus très vite des amis réels et non seulement virtuels : Cincinnatus, Pierre Yves, Mots surannés, Maître Roger. Merci à eux et à tous ceux qui me « suivent » comme on dit ici…

J’ai été contrainte de mettre le blog en sommeil quelques temps mais j’ai le plaisir de vous annoncer qu’il va reprendre et évoluer.

La première nouvelle c’est que nous sommes deux désormais à tenir ce blog: Aline Angoustures et Philippe Moron.

Aline Angoustures, signataire de cet article, est historienne et archiviste et, en parallèle de sa vie professionnelle, écrit de la poésie et de la fiction. Elle a participé à des ateliers d’écriture et a rédigé un nouveau roman, 1500 francs, en 2022, non publié à ce jour. Elle travaille actuellement à une nouvelle fiction.

Philippe est ingénieur et, en parallèle de sa vie professionnelle, a suivi une formation d’arts plastiques en Allemagne pendant sept ans, et participé à de nombreux ateliers d’écriture à Lyon et à Paris. Il a écrit quelques nouvelles et rédigé un premier roman, Aparté, en 2021, non publié à ce jour. Il travaille actuellement à la rédaction d’une fiction, tout en poursuivant la création d’une série de peintures et collages. Sa première exposition de peinture, intitulée Lignes brisées, s’est déroulée à Lyon, dans les locaux d’Aleph-écriture les 25 septembre et 11 décembre 2022.


La deuxième nouvelle est que le rythme va revenir ! Un article par semaine, le vendredi, comme pendant les premières années, chers lecteurs et abonnés.

La troisième nouvelle est qu’il va s’enrichir et resserrer sa ligne éditoriale. Si, sous le nom d’Aline Angoustures, je vais poursuivre la rubrique Société en la centrant sur quelques sujets : la situation de la jeunesse dans notre société, l’islamisme la laïcité et les relations hommes-femmes, la poésie et la littérature prendront plus de place dans le nouveau blog.

Tout d’abord, Philippe Moron et moi allons publier sur le blog un recueil poétique à quatre mains sous le titre Miroirs. Le matériau d’origine de ce recueil est un ensemble de poèmes amoureux voire érotiques (n’ayons pas peur des mots) que j’ai écrit entre 1990 et 1998 pour mon psychanalyste. Il s’agit d’une illustration du très fameux transfert. Quoi de plus banal en somme ? 
Mais ces poèmes qui sont pour quelqu’un d’inaccessible, à qui ils ne peuvent pas même être adressés, se trouvent être dans la tradition de la poésie lyrique, héritée des troubadours telle que la décrivait Martine Broda. Il s’agit presque toujours d’une poésie dans laquelle, comme elle l’écrit « c’est au défaut d’un rapport sexuel absent qu’adviennent l’amour de la langue et la langue de l’amour ». Le poème est ainsi « l’amour réalisé du désir demeuré désir » comme l’écrit René Char. D’un bout à l’autre de la lyrique, le poème s’adresse à un autre perdu, inaccessible, mort, fictif, ou simplement à son nom. une poésie du désir d’autant plus forte que sa réalisation est impossible. 
Je les ai donc écrits (sans pouvoir faire autrement) et laissés de côté pendant des années, avant de pouvoir revenir à l’écriture pour d’autres projets. J’ai rencontré des camarades d’ateliers d’écriture dont Philippe, avec lequel nous avons relus et travaillés d’autres textes. C’est ainsi qu’est né le projet du recueil à quatre mains. 
Pourquoi ne pas reprendre ces poèmes dormants et y placer, en regard, les échos qu’il va y trouver, les transformations qu’il souhaite y apporter pour en faire, finalement, un recueil en ligne. 
Comme il y a près de 200 textes nous avons tout le temps de découvrir ce que cela donnera. Nous espérons simplement qu’ils vous plairons. Poème par poème, vers par vers, mot par mot, textes par textes. Ils ne dialoguent pas, ne chantent pas à l’unisson, mais l’un en contrepoint de l’autre.


Philippe Moron publiera des textes courts en prose, vous verrez qu’il écrit magnifiquement.

Et tout cela peut et va encore évoluer, grâce à vous aussi chers lecteurs !


Guerre

Nadia Tuéni dans le film Hamasat de Maroun Bagdadi, 1980

La guerre occupe et même hante notre actualité, en nous ramenant à d’autres guerres anciennes et à leurs lectures et relectures. C’est ce qui m’a amenée à choisir de l’évoquer avec une poétesse que j’ai beaucoup aimée, la libanaise Nadia Tuéni, et un texte extrait de ses Archives sentimentales d’une guerre au Liban (1982).

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Dieu

Cécile Coulon en dédicace (Soif de Lire, Strasbourg, novembre 2013) Jennifer Vorms Le Morvan

Nom commun ou nom propre, voici un mot beaucoup plus grand que la plupart, plus grand que nous, image d’espérance et d’autorité. Il est même devenu un sujet à manier avec des pincettes. Je n’ai d’ailleurs pas pu ajouter une étiquette avec Dieu en majuscule. Le nom propre Dieu est interdit. C’est pourtant le nom propre qui est le titre du poème de Cécile Coulon que j’ai choisi aujourd’hui. Il est extrait du recueil Les ronces.

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