Forêts

Forêt de frênes ou ripisylve des lônes ?
Je parcours ce qu’il me reste d’espace dans les parfums musqués et la lumière grise,
marchant près des plantes ligneuses sur le sol gorgé des eaux stagnantes des vieux bras du Rhône,
comme je l’ai fait dans mon adolescence, les pieds humides, prisonniers du lierre terrestre,
les mains égratignées par les ronces bleues, j’imagine ma tête, sous les rameaux,
caressée par les chatons ballants des aulnes, et mes doigts frottant les bords dentés des feuilles
arrachées aux charmes comme des cœurs perdus.

Ai-je perdu mon cœur
contre la doublure soyeuse
à l’envers des branches
à la cadence du sang ?

Ai-je rêvé le vent et son
froissement dans les feuilles
lorsque ton regard soutenait
le ciel au-dessus de nous ?

Ai-je terminé ma course
au pied des chênes tauzin ?
Les frênes me protègent encore
de la foudre.

Forêt

1993

Les fenêtres répètent une lumière

De cendre sur la ville

Nulle lune ne luit sur l’eau, le fleuve

Brille de son absence

Forêt de prime angoisse inscrite sur

Les façades du temps

La solitude se perd en silence

Dans le dernier jardin

Ta fenêtre est désormais un ciel

De mystère et le seuil

De ta porte le seul regard posé

Sur ma voix intérieure

Nos yeux se croisent encore sur des vitres

Où dedans et dehors

Se confondent, mais où nos deux voix restent

En pays étrangers

2023

J’ai plus de mots en moi que de souvenirs

Mon cœur, lassé d’attendre, a cessé de

Remonter le temps vers les prières d’amour –

Trop de promesses ont coulé sur les passions

Turbulentes, trop de sourires mensongers –

Il ne bat le pavé des rues qu’en échos

Des pas anonymes déposés chez moi

Naguère, j’ai éteint les lumières de la ville,

Je n’habite guère que les histoires anciennes

Aujourd’hui, je laisse au monde l’enveloppe d’un

Corps, et quelques paroles sans pensée

Au milieu de mon âme pousse une forêt