Soupirs

Danses des lèvres. Soupirs des mains. Battements souples du bonheur. Instants perdus.


Entrer dans les draps, dans les bras des hommes – force partagée – prendre leur sexe, entrer avec eux dans mon corps – leur dévoiler le plaisir intime, et peut-être le leur rendre.


Parcourues les nuits à rebours. Traversées une à une les heures dures de l’enfance. Repoussées les terreurs derrière les battants de fenêtres restés clos : j’ai été volontaire.


Garder le premier amant du jour. Sur ton corps, aurais-je pu faire un seul fleuve de mes deux vies ?

Apaisement

Les émotions se sont perdues jadis dans les espaces feutrés, les chambres où des jeunes femmes me rejoignaient dans les après-midis de soleil – je goutais leurs lèvres, leur santé haut-perchée perçait ma poitrine – l’odeur de leurs sexes suffisaient à me faire croire au plaisir, chaque étreinte était le lieu d’un bonheur à venir.

Puis, j’ai été paresseux, la lassitude m’a désorienté – topique, topique, des lieux vides se sont succédé à d’autres, tout juste désertés – bientôt les mots eux-mêmes auraient fini par disparaître.

Le néant a rempli la vie des futurs divorces, la nature même du passé s’en est trouvée modifiée – je souris encore aux amères morsures de l’attente, j’attends que la foi, dans son jardin secret, renaisse.

Est-il trop tard pour découvrir la terre lourde des réalités oubliées, celles de l’enfance froide – et faire reverdir la colère ?

Je te regarde avec émerveillement – surprise – tu ne mens jamais.

Je ne sais pas mentir – mon corps a-t-il déjà cessé de plaire ? – Les mots tressés d’amour étranglent ma gorge d’une sourde indifférence.

Mes yeux griffés – tristesse des escarpements sur les mers de nuages – cherchent encore l’éblouissement.

Rien n’est plus tenace que l’odeur de la chaleur partagée, mes seins effleurent les draps lisses comme des paupières closes.

Cannabis

Composition, Nicolas de Staël, 1948 (photographie personnelle)

S’efforce-t-il
de s’arracher
à ce tombeau
—retrouver son corps entier, pouvoir marcher enfin ?
Ses bras chavirent
son âme est obscurcie
par une confusion de rameaux
—disloqués, ils cherchent le ciel en vain.
Nos mains coupées
par le désespoir
tombent entre ses doigts
—fanées, si loin du cœur.

Aline Angoustures