Aimer est un verbe qui change tout le temps. On aime le chocolat et pas les poireaux et puis on change de gout, comme dit mon fils qui maintenant aime les coquilles Saint-Jacques alors qu’il nous les laissait auparavant. On aimerait des choses que l’on n’a pas,
ainsi j’aurais aimé être brune et avoir de beaux cheveux, ne pas être myope, ne pas avoir peur de tant de choses. Aimer est un verbe qui grandit. On aime sa famille puis ses amis comme un nouveau cercle familial qu’on a glané au fil du temps, ajoutant des cercles d’amour autour de soi. On est amoureux et on fait l’amour, le verbe faire s’accorde avec aimer, même si aimer pourrait, tout seul, le dire. Cette complication se retrouve dans les langues puisque les Espagnols ont tendance à désirer avant tout (querer qui signifie vouloir et désirer) tandis que les Anglo-saxons et Allemands ont choisi le verbe lubh qui en latin a pu conduire au mot libido, dont on sait l’usage que fit Sigmund Freud. Nous revoici en plein désir. Enfin, on a des enfants et le verbe devient moins possessif, plus responsable. Aimer les enfant c’est savoir que l’on sera toujours là, que ce verbe n’a plus de fin ni de limites. Un verbe solide, indestructible. Un verbe pour transmettre quelque chose, et quoi, sinon qu’enfin, on aime vivre, et c’est là ce que l’on peut donner de plus précieux.
D’après les recherches google aimer c’est surtout « aimer quelqu’un », être Roméo et Juliette. Dans ce cas le verbe a une tendance impérialiste. Lorsque j’ai aimé un garçon pour la première fois, à 16 ans, j’ai tout aimé de lui avec passion, son jean, sa chemise bleue, sa chemise blanche, son maillot de bain rapiécé, son Aqua Velva, ce qu’il disait, la façon dont il le disait, sa façon de jouer au foot, son équipe de foot (j’étais donc la seule traitre à sa patrie en la matière car il n’était pas français). J’attendais avec impatience (à l’époque on attendait) qu’il m’aime plus loin, sans me soucier alors ne serait-ce qu’une seconde de tous les conseils avisés de ma mère sur la contraception et les hommes qui vous abandonnent quand ils ont fait « la chose ». Quand on aime tout, on veut tout. Je compris cette année là qu’aimer était une action bien douloureuse qui avait à voir avec le manque.
Le verbe aimer, comme disait Cocteau, est difficile à conjuguer, son passé n’est pas simple, son présent n’est qu’indicatif et son futur toujours conditionnel. Pourtant, mais est-ce vraiment contradictoire, aimer est un verbe où tout est contemporain. Nos parents, nos premières amours, sont toujours là. Il parait que l’on épouse toujours son père ou sa mère. Ou leur contraire, ce qui finalement revient presque au même. On s’est blessé très tôt et ces blessures se rejouent sans cesse. Le premier amour est toujours aimé dans les suivants, et jusqu’au dernier. Chacun de nos amours nous fait parcourir notre vie entière. Aimer c’est affronter l’usure et la peur essentielle est de n’être, un jour, plus aimé de personne. Il faut inventer toujours, imaginer la permanence. On aime avec un cœur ancien, comme écrivait Sully Prudhomme : Que de jeunesse emporte l’heure Qui n’en rapporte jamais rien ! Pourtant quelque chose demeure : Je t’aime avec mon cœur ancien. On promet d’aimer toujours plus, et on y tient, puisque les vers de Louise-Rose-Étiennette Gérard, dite Rosemonde Gérard, Car vois-tu chaque jour je t’aime davantage Aujourd’hui plus qu’hier et bien moins que demain, sont les vers les plus cités du web.
C’est si bien d’aimer. 38 100 000 résultats sur google en 0,45 secondes. Facebook compte des milliers de groupes et communautés avec le verbe aimer (Sais-tu aimer ? – qui est aussi une application- Savoir aimer– une variante du précédent- Aimer servir -il s’agit de Dieu-, Vivre et aimer, Aimer : images à partager, Bonheur d’aimer; réponse à J’ai pas peur d’aimer, j’ai juste peur d’être blessé e, tout comme Aimer boire et chanter ). Quand il s’agit d’amour entre deux individus, il y a en moyenne 20.000 personnes qui aiment, quand il s’agit de la nature ou des animaux 345.000. De toute façon, sur Facebook et Twitter, on ne peut qu’aimer. On n’a pas le droit de détester. Du coup, on collectionne les like et les commentaires haineux. Mais il ne s’agit là que de gestes virtuels. Or, aimer c’est agir. Ce sont les derniers mots écrits à la main par Victor Hugo trois jours avant sa mort.
Aimer c’est agir… ET j’agis en te disant que j’aime ce mot… MERCI. Bel après-midi
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Excellent article ALINE! J’adore! Merci d’avoir partagé avec nous votre petite histoire! Aimer, fait parfois très mal. AIMER c’est en tout cas très souvent magique!
Agréable journée à vous!
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La citation de Cocteau est délicieuse avec cette idée que l’amour possède une persistance insaisissable !
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« Querer qui signifie vouloir et désirer », voilà pourquoi le mythe de Dom Juan est né sous la plume d’un Espagnol (Tirso de Molina).
« Enfin, il n’est rien de si doux, que de triompher de la résistance d’une belle personne; et j’ai sur ce sujet l’ambition des conquérants, qui volent perpétuellement de victoire en victoire, et ne peuvent se résoudre à borner leurs souhaits. Il n’est rien qui puisse arrêter l’impétuosité de mes désirs, je me sens un cœur à aimer toute la terre; et comme Alexandre, je souhaiterais qu’il y eût d’autres mondes, pour y pouvoir étendre mes conquêtes amoureuses. »(Dom Juan de Molière)
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Votre blog est merveilleux, merci !
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Merci à vous !
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Ce qui est déconcertant avec ce verbe, c’est qu’on peut tout à la fois aimer le chocolat, les cornichons, le bon vin, le coca, la philo, la poésie, Pierre Perret, Mallarmé, Fellini, Ridley Scott, Amy Winehouse, Mozart, sa famille, son poisson rouge… Et effectivement, depuis l’ère de l' »hyperconnexion » aux réseaux sociaux, ça n’arrange rien à cet effet. M’enfin, « Aimons toujours ! Aimons encore ! » comme l’écrivit Victor Hugo dans son poème… et moi, je ne m’en lasse pas ! Merci pour votre article.
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Excellent cet article encore. Aimer, oui c’est agir. Et ce n’est pas seulement dire, c’est prouver….
Et alors que notre langue française est si riche, nous n’avoue que ce verbe là pour dire notre amour et notre goût pour le chocolat. Entre To love et To like la nuance est tout de suite faite 😉
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Oups! Nous N’AVONS, et non pas « n’avoue »…. Encore une vilaine farce de mon smartphone!
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