
Cela fait bien longtemps que je n’ai pas publié de textes de moi. Si je m’y remets, c’est avec l’idée de publier une série de textes contemporains et de m’éloigner quelque temps des grands textes incontestables, du moins à mes yeux.
J’ai écrit ce poème à la fin des années 1980. Je l’ai choisi parce que Jean-Michel Espitallier avait eu la bienveillance de l’apprécier, sous une forme différente. Il m’avait donc amenée à l’améliorer, en remplaçant ou éliminant les nombreux compléments de nom.
C’est une époque où je ne comptais pas autant les pieds pour faire des vers d’une taille régulière, pour aller dans la « forme fixe ». Pourtant, le texte n’est pas en prose: il a trois strophes et est découpé en vers. Beaucoup d’alexandrins, des vers de 6 pieds et quelques uns qui ne correspondent pas du tout à cette norme.
En le relisant aujourd’hui, il me rappelle surtout le sentiment de n’être de nulle part, de n’être nulle part à sa place ou chez soi. Un sentiment venu en partie de ma vie d’expatriée et d’un retour un peu difficile dans ma terre natale. Le voyage est ici plein d’images de la ville du Moyen Orient où j’ai vécu (les légumes, les blocs de glace, les quartiers de viande), et d’autres villes parcourues longuement dans de vrais voyages, l’Inde sans doute, Le Caire aussi pour ce « cœur des villes que les cartes ignorent ». J’y entend aussi l’écho des chansons de Gérard Manset que j’écoutais alors en boucle.
Voyage A ceux qui voyagent, l’écorce du soleil La terre comme une amande Les lieux sans leur absence Les pas qui lustrent lentement les cours de pierre Et les salles à deviser Les maçonneries du savoir A ceux qui voyagent, le ciel trop éloigné L’odeur du sucre sur l’asphalte Les sécrétions de la peau et des épices Les légumes qui croupissent sur le sol Les blocs de glace devant les portes Et les quartiers de viande sur la tôle chaude A ceux qui voyagent, la meurtrissure du soir Le cœur des villes que les cartes ignorent Les bruits du matin à toute heures de la nuit Les chants en langue étrangère derrière les volets Les chambres d’hôtel où l’on change les draps et Leur nom qui n’a plus cours.
Et vous ? Que vous inspire le mot « voyage » ?
Superbe!
Il m a emmené en Espagne, dans les aprés midi d été de mon enfance, plombées par un soleil et une chaleur intense..
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Merci Dominique !
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Les bouddhas enneigés au départ des sommets
le crottin des chameaux au désert bactriane
la garance et le cyan aux marchés de Bombay
le tangage indolent des vieux trains fatigués
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Ah oui, belle évocation ! Merci d’apporter votre regard cher voyageur
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