Les jours de pluie n’ont pas d’aube – ils perpétuent la nuit dans la respiration pure de leur naissance – les herbes, les feuilles, les branches se couvrent du souffle gris du ciel, elles retrouvent leurs natures d’ombres. Notre féconde imagination s’est endormie, la terre a rangé ses couleurs divertissantes, son baiser est froid comme une vérité oubliée. Une main d’acier caresse le front, là où la pensée, lorsque le soleil est au zénith, s’échappe dans les vapeurs du mensonge – nous nous tenons entièrement nus dans la main humide du temps.
Philippe Moron
J’ai beaucoup aimé lire cela. Je sens les gouttes… Beau texte.
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Merci beaucoup Joëlle !
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Ce poème explore la relation intime entre la nature et les sentiments, caractéristique du lyrisme romantique. L’auteur donne vie à une nature personnifiée, agissant à la fois comme muse inspiratrice du poète et reflet de ses émotions.
Le début du poème « Les jours de pluie n’ont pas d’aube », souligne que la pluie perturbe l’équilibre entre le jour et la nuit, l’éclat du lever du soleil, un symbole de vie et de lumière, n’apparaissant pas. La personnification de la nature, perceptible à travers des expressions telles que le « souffle gris du ciel » ou la « respiration pure de leur naissance », renforce le lien entre la nature et des caractéristiques humaines. Elle évoque une énergie vitale (la respiration pure) animant la nature, mais qui, lors des jours de pluie (souffle gris du ciel), prolonge la nuit, empêchant ainsi l’aube de surgir et de se distinguer de l’obscurité. Cela crée une atmosphère obscure et morne qui contamine le sentiment intérieur du poète.
Dans la seconde partie du texte, le narrateur établit un parallèle entre trois éléments personnifiés : le souffle vital de la nature, symbolisé par cette « respiration pure » ; l’imagination du poète, caractérisée comme « féconde » ; et « la terre », qui renferme également cette fertilité. Les jours de pluie plongent l’inspiration du poète dans un état léthargique (notre féconde imagination s’est endormie), car elle n’est plus stimulée par « les couleurs divertissantes » de la terre. Lors des jours de pluie, la terre pose « son baiser froid » qui fige le poète dans une quasi-mort. Les ténèbres répandues par le souffle gris du ciel entravent le poète dans sa quête de l’idéal de beauté, cette « vérité oubliée ». La force oppressante et oppressive de la pluie est métaphoriquement incarnée par « une main d’acier », qui effleure son front (remarquons l’emploi de l’oxymore). Ainsi la pensée (l’inspiration poétique) ne peut s’échapper « des vapeurs du mensonge » ni s’élever vers cet idéal de beauté (le soleil au zénith).
Le poète conclut en déplorant sa vulnérabilité qu’il exprime à travers l’image saisissante de nudité : « nous nous tenons entièrement nus dans la main humide du temps ». Le temps qui est aussi personnifié (la main humide du temps) nous met à nu, car il nous révèle notre fragilité et notre impuissance face aux éléments naturels. Le temps peut également représenter une certaine temporalité, liée au cycle du jour et de la nuit, mais aussi la durée de la vie, limitée et inéluctable.
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Merci chère L pour cette analyse fouillée et éclairante (comme à chaque fois). Il y a des textes qui viennent très vite, après une discussion, une lecture, une méditation ou un regard de la fenêtre sur la campagne. Pluie fait parti de ceux-là,
il a été retravaillé à la marge, peut-être parce qu’il fait résonner des sentiments anciens. Je n’avais que peu d’effort à faire pour les convoquer.
À très bientôt
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