Panorama

A propos de Panorama 1. Articles et entretiens 2005-2021, d’Étienne Ruhaud, illustrations de Jacques Cauda, Éditions unicité, collection Éléphant blanc.

Le titre de cet ouvrage dit bien son ambition et sa générosité. On ne peut manquer de remarquer le lien avec le nom du blog animé par son auteur, Page paysage. Les pages peuvent se contempler comme des paysages, et les paysages, à leur tour, se lire comme autant de pages, écrivit Jean-Pierre Richard, qui a inspiré le nom du blog. C’est la démarche du livre: parcourir la littérature contemporaine comme un paysage, à la fois immense et fragmenté.

En 386 pages, Étienne Ruhaud explore la littérature contemporaine, ou plus exactement des auteurs qui comptent à ses yeux. Il ne faut donc pas s’attendre à l’exhaustivité (attendons les Panorama 2, 3 …). Se côtoient, dans ce livre, des auteurs reconnus et méconnus. Indifférent au bruit médiatique et à la centralisation parisienne, Étienne se place ainsi dans la ligne de la collection qu’il dirige, et de la maison d’édition créé en juin 2010 par François Mocaër : faire connaître des voix d’auteurs avec comme unique critère la qualité d’écriture.

Il est impossible de résumer ce livre, ni de citer tous les auteurs évoqués, par des entretiens ou des notes de lecture, réalisés entre 2005 et 2021 (il suffit pour le comprendre de voir les post-it dépassant de mon exemplaire). Cependant, bien qu’Étienne Ruhaud présente, modestement, son travail comme un « fourre-tout », je relève quelques fils rouges. Le premier est celui de la poésie, mal aimée de la vente de livres, et ici très présente, par des portraits d’éditeurs et d’auteurs contemporains, quelle que soit la forme de leurs textes, puisque le livre fait la part belle au « récit poétique ». Le second fil rouge est celui du surréalisme, cher à l’auteur, qui nous guide dans des œuvres oniriques, faisant la part belle au rêve, à l’imaginaire ou à l’inconscient. Par ailleurs, et j’y suis très sensible, Étienne Ruhaud prête une grande attention à l’irrespect, au regard critique, voire drolatique, sur notre monde. Enfin, il faut citer sa volonté d’exhumer, qu’il s’agisse des lieux, ou d’auteurs longtemps injustement oubliés, tissant inlassablement le lien entre passé et présent.

L’amitié et le dialogue sont au cœur du livre. On sent les liens personnels que noue Étienne Ruhaud avec tous ces auteurs et éditeurs, que ce soit dans les entretiens ou dans les lectures qu’il fait des œuvres. La question du dialogue est donc constamment présente et, sans doute guidée par mon amour de la tradition lyrique de la poésie amoureuse, dont il fut l’un des maîtres, je m’attarde quelques instants sur l’entretien autour du Secretum meum (Mon secret) de Pétrarque. Denis Montebello y souligne tant l’importance du dialogue et de la lettre, ce dialogue avec l’absent, dans l’œuvre du poète, que le caractère original de Mon secret, livre de dialogue, sous le regard de la Vérité, entre Pétrarque et Saint Augustin mais aussi entre Pétrarque et lui-même.

Panorama est donc un livre à lire et parcourir, comme un paysage, pour cocher des pages et partir à la rencontre des livres, des blogs et des auteurs qu’il nous fait découvrir ou redécouvrir. Je cite la conclusion d’Étienne Ruhaud :

Mon vœu le plus cher reste évidemment que le lecteur décide de découvrir les volumes ainsi évoqués, parfois juste effleurés. Telle est, me semble-t-il, la mission du critique, passeur littéraire.

Laisser un commentaire