Disparition

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J’ai écrit ce poème sur ma mère. Ce n’est pas le seul texte que j’ai écrit ou tenté d’écrire à son sujet. Celui-ci a été publié grâce à Sébastien Doubinsky (Merci Sébastien !) dans sa revue devenue aujourd’hui une maison d’édition libre à but non lucratif Le Zaporogue. Le texte n’avait pas de titre et j’ai choisi le mot disparition, qui est au centre de ce que je tentais d’exprimer avec des références à la fuite physique (les voyages et la vie dans des villes lointaines et sans liens avec le passé), la fuite dans l’effacement des traces et le déguisement (le maquillage), et la disparition qui en est la conséquence. L’écriture peut-être un refus de la disparition.

Ma mère qui fuyait les sables, emportée par les avions redressés sur les digues du ciel aux fanaux alignés, par ces voitures silencieuses, glissant sous les ventres miroitants qui se succèdent sur les bas-côtés déserts de chaussées toujours identiques de ces villes surgies de rien.

Ma mère qui marchait dans les matins, ombre passante devant les néons, ponctuations du silence dans les cuisines enfermées, ce tracé de ses pas sur leur sol qui ne finit pas, qu’effacent jour après jour la javel, le tracé de ses mains sur les formicas, les mélaminés, les inox, les émails, surfaces dérapantes, alternance incessante de vide et d’encombrement, ses yeux noircis par l’eye liner tiré vers le sol par le tracé de ses larmes sur la poudre, vêtement de soie sur la peau, enlevé et remis face au miroirs glacés des salles de bain.

Ma mère, absente en tous lieux, de ses traces, l’usage perdu, et par les sables sa trace reprise, sculptée dans la blancheur du jour, les rues emplies de foules déambulantes, dans nos mémoires adossées et nos voix qui se joignent, ici.

1990

4 réflexions sur “Disparition

  1. Très beau texte plein de résonances, vraiment ! A l’évanescence des traces semble répondre la trace à même le corps, corps devenu trace dans sa « disparition » même, à l’image des gestes, des mouvements furtifs du quotidien qui restituent une présence singulière, oublieuse d’elle-même. J’ai beaucoup aimé. ..

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  2. Merci de me donner envie de lire la poésie et surtout de me la faire aimer…
    Il y a dans ce poème non seulement de si fortes émotions qui saisissent, mais aussi une certaine description de la femme des années 60 qui ne laisse pas indifferente et qui résonne. .😉

    Aimé par 1 personne

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