Citadelle

1991

Citadelle de mots, fusion de langages, tu tournes sans cesse en toi-même les phrases douces qui bercent l’enfant immobile.

Elles l’entourent, le protègent et l’encerclent, elles déroulent avec elles le silence qu’elles remplacent autour de l’enfant, de la femme.

Tes mots ont entrouverts mes bras et mes lèvres, je me suis enivrée d’une phrase sans fin, jour après jour, louange et blessure, déferlante infinie.

Les noms que tu essaies à nos désirs muets engendrent sous ton regard cette femme qu’ils désarment et pénètrent.

2022

Je suis la citadelle dont tu souffles les échos dans la fusion des temps, hier et aujourd’hui de nouveau réunis, aussitôt séparés.

Tu tournes en nous les phrases charnelles que j’enroule autour de mes lèvres, pour te protéger de la mort et m’encercler avec lui.

Tes paroles réveillent chaque jour la blessure que nous tenons secrète, il nous écoute gémir et nous enivrer de notre gémellité fausse.

Nous devenons une femme sous son regard et ses mains, toi l’enfant douce du silence et moi la femme attentive à la berceuse oubliée.

2 réflexions sur “Citadelle

  1. L’écriture à quatre mains n’est pas rare en littérature ; en poésie, cette approche créative est beaucoup plus exceptionnelle. Citons Freddy Vandeville et Émile Lassal. La beauté et l’originalité de « Miroirs » résident dans son écriture différée dans le temps, le fait qu’une femme ET un homme tiennent la plume et par le talent et la sensibilité différente des deux poètes. Cela enrichit l’œuvre, la rend plus dense, plus profonde, plus nuancée, plus ambiguë, plus mystérieuse.
    Une lecture approfondie de « Citadelle » nous révèle un dialogue intérieur (frôlant la schizophrénie) qui rebondit de strophe en strophe entre les deux versions du poème. Il s’agit d’une élévation de l’enfant à la femme par l’expérimentation de sentiments nouveaux et du désir charnel : « Les noms que tu essaies à nos désirs muets engendrent sous ton regard cette femme qu’ils désarment et pénètrent ». La brutalité de ce combat est mise en avant par l’opposition d’un vocabulaire issu, comme dit plus haut, du champ lexical de la maternité à celui plus guerrier de la poliorcétique. (« citadelle », « Elles l’entourent, le protègent et l’encerclent, » « désarment », « pénètrent ».) Il faut noter le jeu sur la polysémie des mots qui traversent toute l’œuvre poétique de « Miroirs ». Le champ lexical guerrier peut aussi s’entendre comme champ lexical du coït « Tu tournes en nous les phrases charnelles que j’enroule autour de mes lèvres, pour te protéger de la mort et m’encercler avec lui. », « … cette femme qu’ils désarment et pénètrent. »

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