Les larmes,
Songe
De notre passage,
Traversée du corps
De l’autre,
Lueur regrettée
Des aubes
Une attente,
Baiser
de l’horizon ovale,
Adieux aux gerçures
Des falaises,
Odeur de draps posée
Sur l’aurore.
Les larmes,
Songe
De notre passage,
Traversée du corps
De l’autre,
Lueur regrettée
Des aubes
Une attente,
Baiser
de l’horizon ovale,
Adieux aux gerçures
Des falaises,
Odeur de draps posée
Sur l’aurore.
Se retirer doucement, refluer, laisser quelques lignes blanches sur les pierres, le murmure des rivières, l’ancien chant de la joie.
L’ombre gagne les champs, disperse les pistils de l’enfance.
Dans notre âme, où trouver le jaune d’une voix ?
Mon regard ne peut plus croiser dans les eaux du tien, se poser comme un oiseau sur le rebord d’un balcon, regarder à l’intérieur, où se trouvent tous les objets de l’enfance: nos regards se sont fuis, comme nous avons fui la parole.
Dans ton regard, j’ai vu l’absence, j’ai vu apparaître l’absence. Pourtant, tu me diras, l’absence ne peut apparaître, elle est disparition. Pourtant, je te dis ce que je sais, l’absence a émergé dans tes yeux. Et je sais que tu l’as vu, toi aussi.
Demain, tes yeux pleureront peut-être, après les miens, ou juste avant. Ils regarderont à côté. Je me cacherai pour laisser couler les miens. J’étoufferai l’écho des sanglots.
Nous croiserons d’autre regards. Parfois, dans un miroir, des yeux se rencontrent, ou se reconnaissent. Ils se parlent.
Il me reste une question :
Qui est entré dans tes yeux pour les fermer ?

Parution de notre recueil de poésie « Le Divan Double » aux éditions unicité, dirigées par François Mocaër, dans la nouvelle collection Chantelangue & Compagnie de Laurent Desvoux-D’Yrek.
Le Divan est identifié à la psychanalyse depuis que Freud y a allongé ses premiers patients et le mot désigne aussi un recueil de poésie profane en persan et arabe. Il est, dans ce recueil, le lieu, physique et livresque, de l’amour impossible, celui qui s’exprime dans l’amour de transfert, du désir attisé par l’inaccomplissement, celui que chante la poésie courtoise et, depuis, une longue tradition de la poésie lyrique. Mais ce divan double est aussi un dialogue, un recueil à quatre mains dans lequel, à la voix féminine qui chante le désir solitaire, un autre poète, un homme, répond trente ans plus tard. Le recueil devient alors un dialogue amoureux et érotique sur l’amour, imaginé ou vécu, rêvé, impossible ou perdu. En mêlant progressivement les voix, le livre intègre leur altérité, leurs différences, différence sexuelle bien sûr, mais aussi différence de style, pour faire émerger une œuvre. Il s’agit enfin aussi d’un livre d’art, dans lequel les dessins et peintures de Philippe Moron font écho aux textes.
Parce que le rose était le mur
et le cœur des hirondelles
le vertige des nuages
Parce que le rose était sur toi
pluie de pétales emplis de la tige
feu mourant sur les lèvres de la nuit
Parce que je deviens l’origine
l’obscurité dans laquelle tu glisses
une dernière lueur, l’éblouissement
Les gouttes d’existence coulent sur la peau durcie de la nuit étoilée. Tu poses tranquillement sur mes lèvres l’odeur humide du désir dans l’attente de l’aube. Nos corps complètent le dôme ténébreux recouvrant les parfums des sous-bois où nous oublions les lumières du passé, il n’y a de vrai que tes yeux rougis de fièvre, et le vent salé plaqué sur nos cœurs. Nous apprivoisons nos forces après chaque caresse endormie.
Il y aura ce jour
il y aura la mémoire de ce jour
les heures et leurs courses de nuages
Il y aura le cœur
il y aura le cœur sans attente
le vent et son chant de feuilles
Il y aura cet été
que nous n’atteindrons pas.
Nous n’avions pas de lieu
nous vivions sur les chaussées
glissantes, lisses, immenses
nous allions sans fin, nous allions ici
– nulle part.
Il fallut inventer l’arrêt
l’instant immobile
espace tenu par les bras
murmure d’océan et de branches
– sous nos pieds nus.
Certains silences happent en soi la parole – la vie s’y engouffre – la poésie de l’instant se fera-t-elle chair une dernière fois? Une main solitaire froisse l’enveloppe profonde de ce qui s’appelait auparavant « moi » – la douleur devient l’antienne de l’ombre intérieure.
Souffrir sans souffrir, se retirer à pas d’oubli, les visages de l’amour flottent dans le bleu dispersé.
L’amour donné peut-il être nommé, peut-il être au poème l’or des frondaisons, l’éblouissement de l’instant ?
L’amour donné est-il un visage qui demeure, au bord de notre mémoire fatiguée, là où nos mains cherchent l’absence de douleur ?
L’amour donné est-il demeuré entre nous, vent tournoyant, souffle que les perturbations dispersent ou rassemblent ?
L’amour donné peut-il faire retour en nous ou est-il pour jamais perdu – chant inaudible de l’oubli ?
L’amour donné peut-il s’étendre sur mon corps pour y accomplir la dernière nuit ?